Nicolas Fouquet
Nicolas Fouquet, surintendant des Finances, par Lacretelle
Nicolas Fouquet
1615-1680
Le cardinal de Mazarin nomma Nicolas Fouquet Surintendant des
Finances, en 1653. Il lui confia la mission de renflouer les caisses
de l'État, asséchées par l'incompétence des surintendants, en place
depuis Henri IV et la perte de crédit auprès des financiers qui ne
parvenaient pas à se faire rembourser. Intelligent, prodigue, amateur
de luxe et mécène, Nicolas Fouquet sut s'entourer de l'amitié des
puissants et des artistes, parmi lesquels La Fontaine et Molière, le
Nôtre et Poussin, Puget, Le Brun ainsi que La Quintinie.
Le nouveau Surintendant rétablit la confiance et mobilisa
l'épargne. Il donna pour gage sa fortune et préleva une commission
importante au titre de la garantie. L'argent ainsi récolté permit de
financer les besoins de la Cour et de satisfaire l'avidité de Mazarin.
Le financier, à qui tout réussissait, ne perçut pas l'affront que son
indépendance intellectuelle et que son luxe infligeraient à l'orgueil
du jeune roi. Fouquet collabora étroitement avec l'intendant privé du
cardinal Mazarin, Jean-Baptiste Colbert, descendant d'une dynastie de
grands marchands-banquiers. La mort du cardinal intervint en mars
1661. Le Surintendant, qui avait largement contribué au redressement
des finances du royaume, envisaga de devenir Premier ministre.
Louis XIV, âgé de 22 ans, supprima alors cette fonction. Il fut
influencé par Colbert qui avait décidé d'abattre Fouquet "de se revêtir
de sa dépouille" et de "s'élever sur les ruines du Surintendant". Il
l'accusa de "confusions financières", exonérant Mazarin, le parrain
du roi et l'ami intime d'Anne d'Autriche, la Reine-Mère, de toute
responsabilité. Il n'hésita pas à colporter des calomnies sur un
prétendu complot susceptible de contester le pouvoir royal. Louis XIV
décida d'enfermer Fouquet, dès que ce dernier eut versé dans les
caisses royales l'argent frais promis et vendu sa charge de Procureur
Général au Parlement de Paris qui le soustrayait à toutes juridictions
autres que celle de ses pairs.
Le roi, qui cherchait un prétexte, se fit inviter à Vaux le Vicomte
pour y admirer les derniers embellissements. Fouquet organisa, le 17
août 1661, une fête grandiose dans ce qui était devenu le plus beau
château du royaume. Voltaire écrivit : "le 17 août, à 6 heures du soir,
Fouquet était le roi de France, à 2 heures du matin, il n'était plus
rien". D'Artagnan, le capitaine des mousquetaires, arrêta le
Surintendant Fouquet à Nantes, le 5 septembre. Ce dernier fut déféré
devant une juridiction d'exception spécialement constituée.
Les magistrats firent de la résistance. "La cour rend des arrêts non
des services !" répliqua l'intègre d'Ormesson, juge de Fouquet. Le
procès, truqué par Colbert, dura plus de trois ans. La majorité des
juges vota le bannissement hors des frontières du royaume et non la
peine capitale, exigée par le roi. Pour la seule fois de l'histoire de
France, le chef de l'État, détenteur du droit de grâce, brisa la
sentence des juges, non pour l'alléger mais pour l'aggraver. Il
condamna son ancien Surintendant à la peine perpétuelle. Ne pouvant
obtenir la mort, il parvint ainsi à protéger les secrets d'État qui
aurait pu menacer son autorité. Fouquet, escorté par cent
mousquetaires, fut envoyé à Pignerol, place forte des Alpes
savoyardes. Il y décéda le 23 mars 1680, au terme d'un enfermement de
dix-neuf années.
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- Daniel Dessert, Fouquet, Fayard, 1987.