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Les sociétés anglaise, espagnole et française au XVIIe siècle
8 juin 2007

Parlement et parlementaires, Bordeaux au Grand Siècle (Caroline Le Mao)

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Palais de l’Ombrière au XVIIIe s., dessin   de Desmaisons, Arch. mun. de Bordeaux
    © Cliché A. M. Bordeaux - photographe Bernard Rakotomanga




Parlement et parlementaires,

Bordeaux au Grand Siècle

Caroline LE MAO


quatrième de couverture
caroline_la_mao_couvVille rebelle, ville insoumise, Bordeaux fait figure, au XVIIe siècle, de môle de résistance face à l’autorité royale sans cesse grandissante. Lorsque le jeune Louis XIV se présente aux abords de la cité en 1650, il trouve portes closes pendant près de deux mois… La capitale de Guyenne joue alors l’un des plus beaux et des plus tragiques épisodes de son histoire : la Fronde. Deuxième foyer de rébellion après Paris, la cité est le refuge du parti des princes. Mais c’est oublier que le soulèvement fut initié par ceux qui sont alors les maîtres de la ville : les magistrats du parlement.

Arnaud de Pontac, Bernard de Pichon, Lecomte de Latresne… Au sein de la cité, tout dit la présence et la puissance de ces hommes, des hautes tourelles du palais de l’Ombrière aux majestueuses façades du cours du Chapeau Rouge, du gibet de la place aux distributions d’aumônes, des chapelles funéraires à la procession de la Fête-Dieu… La compagnie, forte d’une centaine de magistrats, domine alors la ville, presque sans partage. La jurade, comme les autres institutions de la cité, se soumet à son autorité. Même le gouverneur de la province, le célèbre d’Epernon, aussi bien que les intendants savent que l’on ne peut braver impunément le parlement de Bordeaux. Mais cette aura peut-elle se maintenir au temps du triomphe de l’absolutisme royal ? Durant ce règne qui fut celui d’une supposée reprise en main des cours souveraines, comment réagit l’un des parlements les plus indociles du royaume ?

D’une régence à l’autre, de 1643 à 1723, Bordeaux ne cesse donc d’être au cœur des préoccupations royales et le souverain garde toujours un œil sur cette cité rebelle, sur ces magistrats gascons volontiers sujets aux mouvements d’humeur. Qu’éclate la révolte du papier timbré, et c’est un exil de quinze ans qui s’abat sur toute la compagnie. Aussi, l’histoire du parlement de Bordeaux durant la seconde moitié du XVIIe siècle fournit-elle une clé d’analyse de la marche à l’absolutisme. Loin des déclarations péremptoires d’un Colbert ou d’un souverain soucieux d’édifier son successeur, cet ouvrage propose un regard complémentaire, sinon contradictoire, d’une réalité habituellement perçue depuis Paris.

On y découvrira que le pouvoir royal use de méthodes beaucoup moins radicales qu’on ne l’a souvent cru. Le pragmatisme monarchique est fait de négociations, de retours en arrière… On compose, on évite l’affrontement direct en se ménageant relais et soutiens au sein du groupe. On comprendra surtout que l’opposition n’est que l’un des aspects de la relation roi-parlement et que ce n’en est pas le mode majeur. Rouage indispensable de la monarchie, le parlement et ses hommes sont avant tout des juges et se conçoivent d’abord comme des fidèles serviteurs du roi.

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Le sommaire

INTRODUCTION

Chapitre 1 : Le Parlement immuable

Le troisième Parlement de France ?
 Aux origines du Parlement de Bordeaux
Juger, enregistrer, administrer : les compétences du Parlement
Les chambres du Parlement : une structure qui se précise
Un Parlement dans sa ville : le Palais de l’Ombrière
 Un monument imposant au cœur de la cité
Entre exigence de faste et délabrement, les ors du Palais de l’Ombrière
Un palais immuable dans son agencement
Le Parlement au cœur de la vie de la cité
 Le Parlement, moteur de l’activité urbaine
Une ville au rythme de la cour

 

Chapitre 2 : Le Parlement de Bordeaux dans la Fronde

Le théâtre de la Fronde
Le décor
Les interlocuteurs du Parlement
La dramaturgie de la Fronde
Les temps de la Fronde
La Fronde bordelaise : une chronologie de la rupture
1649-1650 : de l’année du Parlement à la Fronde des Princes
La troisième Fronde : retour à Bordeaux
La Fronde, un échec parlementaire ?
La Fronde parlementaire existe-t-elle ?
L’échec du Parlement : une question d’incompétence?
Le «maniement des hommes» :
le Parlement à l’épreuve du jeu des factions

 

Chapitre 3 : L’abaissement de l’autorité parlementaire

La reprise en main de la cour au lendemain de la Fronde :
la mise en place des grands axes de la pratique absolutiste

Contrôler la cour
Retour sur le «maniement des hommes» : l’adaptation d’une méthode
ancienne aux nouvelles réalités du second XVIIe siècle
Rallier les cœurs: le Parlement et son Roi
La crise de 1675 et l’exil de la cour
Un Parlement dépassé par la crise
1675-1690 : un exil de quinze ans…
Une cour de justice à La Réole :
les conséquences de la translation sur l’activité du Parlement
Du zénith du Soleil à l’aube nouvelle de la Régence,
retour à l’âge d’or des Parlements ? (1690-1723)

De l’apogée à l’agonie: le Roi se meurt…
…«Vive le Régent» ?

 

Chapitre 4 : Devenir magistrat…

Acquérir une charge : le marché des offices
Les disponibilités de charge
Les «respirations» du Parlement
Le prix d’une charge
Entrer dans la carrière…
Des bancs de l’Université à ceux du Parlement : le cursus idéal
De la théorie à la pratique : un fréquent recours aux dispenses
Faire carrière?
Une vie au Parlement. Le destin du simple conseiller
Peut-on parler d’une carrière au sein du Parlement ?
La mobilité intraparlementaire
Hors du Palais, point de salut ?

 

Chapitre 5 : Être magistrat

Être magistrat, une sinécure ? Le travail quotidien
Le magistrat, agent du Roi
Le magistrat administrateur
Le magistrat et la compagnie
La récompense
La rémunération du capital
Les revenus «casuels»
Honneurs et privilèges : le vrai salaire du magistrat
Bon et mauvais magistrat, au miroir de la société
Portrait moral (et immoral) du magistrat
Le magistrat face à sa mission

 

Chapitre 6 : Parlement et familles

Parlement et familles: les enjeux de la question
De l’existence d’un système familial
Parlement et noblesse : une question essentielle ?
Le règne des dynasties parlementaires : étude des grandes familles
Qu’est-ce qu’une grande famille ?
De l’étude des réseaux familiaux parlementaires…
Modalités d’emprise et structuration
La place du Parlement dans la stratégie familiale
Au-delà du règne dynastique, une compagnie en perpétuel renouvellement
Ces familles qui ne font pas souche…
L’arrivée des hommes nouveaux :
mise en péril ou renouvellement du système familial ?

 

Annexes
INVENTAIRE DES PRINCIPALES SOURCES UTILISÉES
bibliographie
Annexes

INVENTAIRE DES PRINCIPALES SOURCES UTILISÉES
bibliographie 442

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- compte rendu par Matthieu Lahaye (mars 2007)


Caroline Le Mao
Parlement et parlementaires, Bordeaux au Grand Siècle
éd. Champ Vallon, janvier 2007, p. 10

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7 juin 2007

Qui sont les parlementaires ?

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qui sont les parlementaires ?


- Après confrontation des différentes définitions rencontrées, nous avons retenu, comme membres du parlement, le premier président, le procureur général, les deux avocats généraux, les présidents à mortier, les conseillers de la Grand' Chambre, des deux chambres des Enquêtes et leur président respectif, les commissaires aux Requêtes et leur président, ainsi que les membres de la Chambre de l'Édit et, après 1702, les deux chevaliers d'honneur, soit 113 membres simultanément. Nous avons choisi d'écarter les greffier en chef car celui-ci est dit être membre du corps de la cour mais n'a pas la qualité de magistrat.

Caroline Le Mao
Parlement et parlementaires, Bordeaux au Grand Siècle
éd. Champ Vallon, janvier 2007, p. 10









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5 juin 2007

chronologie Angleterre XVIIe siècle

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Charles 1er d'Angleterre, Anton van Dyck



chronologie Angleterre XVIIe siècle


1588  Victoire sur l'Invincible Armada de Philippe II.

1590-1616  Shakespeare rédige 14 comédies, 10 pièces historiques, 13 tragédies.

1597-1601  Promulgation successive de versions de la loi des Pauvres.

1600  Fondation de la Compagnie des Indes Orientales.

1605  Le Complot des Poudres fait des catholiques, pour deux siècles, des ennemis de l'intérieur.

1611  Édition de la Version autorisée de la Bible, qui fut en usage pendant trois siècles et demi.Mayflower_in_riptide_off_Monomoy_point

1620  Le Mayflower aborde les côtes du Massachusetts.

1628  Le Parlement adopte la Pétition du Droit (ou des droits).

1629-1640  La "Tyrannie de onze ans" : Charles 1er sans Parlement.

1640  Élection successive du Court puis du Long Parlement.

1641 La Grande Remontrance.

1642-1649  Les guerres du roi contre le Parlement.

1643-1646  Après l'abolition de l'Église anglicane, l'Assemblée de Westminster définit une nouvelle Église nationale presbytérienne.

1644 Publication de l'Aeropagetica de John Milton en faveur de la liberté de presse.

1645   Naissance de l'armée du Nouveau Modèle.

1649  Exécution de Charles 1er et proclamation de la République (le Commonwealth and Free State). Les Niveleurs publient un projet de constitution démocratique, l'Accord du Peuple.

1651  Le premier Acte de Navigation. Thomas Hobbes publie son Leviathan.

1653  Cromwell, Lord Protecteur du Commonwealth d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande.

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Cromwell dissout le Long Parlement, 20 avril 1653, gravure contemporaine , Pays-Bas
Cromwell : "Be gone you rogues. You have sat long enough". On the wall : "This House to Let"

1656  James Harrington publie son Oceana.

1660  Restauration de la royauté et rétablissement de l'ancien ordre religieux.

1667  Publication du Paradis perdu de John Milton.

1673  Le Test Act qui fut complété en 1679.

1678   John Bunyan publie le Pilgrim's Progress (Voyage du pèlerin).

1679  Promulgation d'un amendement décisif pour le respect de l'Habeas Corpus.

1680-1685  Affirmation des "partis" whig et tory.

1688  La Glorieuse Revolution.

1689  Vote de la Déclaration des Droits et de la Loi de Tolérance.

1689-1714  Une série de guerres contre Louis XIV hissent l'Angleterre au rang de grande puissance.

1690  Les traités de John Locke sur le pouvoir civil.

1693   Loi de triennalité.

1694  Fondation de la Banque d'Angleterre.

1701  L'Acte d'Établissement réserve le trône à un souverain protestant.447px_Queen_Anne

1707  Acte d'Union Angleterre-Écosse.

1714  (août) Mort de la reine Anne, George 1er de Hanovre proclamé roi.

1715 (octobre) Premier soulèvement jacobite.





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4 juin 2007

Nicolas Fouquet

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Nicolas Fouquet, surintendant des Finances, par Lacretelle




Nicolas Fouquet

1615-1680


Le cardinal de Mazarin nomma Nicolas Fouquet Surintendant des Finances, en 1653. Il lui confia la mission de renflouer les caisses de l'État, asséchées par l'incompétence des surintendants, en place depuis Henri IV et la perte de crédit auprès des financiers qui ne parvenaient pas à se faire rembourser. Intelligent, prodigue, amateur de luxe et mécène, Nicolas Fouquet sut s'entourer de l'amitié des puissants et des artistes, parmi lesquels La Fontaine et Molière, le Nôtre et Poussin, Puget, Le Brun ainsi que La Quintinie.

Le nouveau Surintendant rétablit la confiance et mobilisa l'épargne. Il donna pour gage sa fortune et préleva une commission importante au titre de la garantie. L'argent ainsi récolté permit de financer les besoins de la Cour et de satisfaire l'avidité de Mazarin. Le financier, à qui tout réussissait, ne perçut pas l'affront que son indépendance intellectuelle et que son luxe infligeraient à l'orgueil du jeune roi. Fouquet collabora étroitement avec l'intendant privé du cardinal Mazarin, Jean-Baptiste Colbert, descendant d'une dynastie de grands marchands-banquiers. La mort du cardinal intervint en mars 1661. Le Surintendant, qui avait largement contribué au redressement des finances du royaume, envisaga de devenir Premier ministre.

Louis XIV, âgé de 22 ans, supprima alors cette fonction. Il fut influencé par Colbert qui avait décidé d'abattre Fouquet "de se revêtir de sa dépouille" et de "s'élever sur les ruines du Surintendant". Il l'accusa de "confusions financières", exonérant Mazarin, le parrain du roi et l'ami intime d'Anne d'Autriche, la Reine-Mère, de toute responsabilité. Il n'hésita pas à colporter des calomnies sur un prétendu complot susceptible de contester le pouvoir royal. Louis XIV décida d'enfermer Fouquet, dès que ce dernier eut versé dans les caisses royales l'argent frais promis et vendu sa charge de Procureur Général au Parlement de Paris qui le soustrayait à toutes juridictions autres que celle de ses pairs.

Le roi, qui cherchait un prétexte, se fit inviter à Vaux le Vicomte pour y admirer les derniers embellissements. Fouquet organisa, le 17 août 1661, une fête grandiose dans ce qui était devenu le plus beau château du royaume. Voltaire écrivit : "le 17 août, à 6 heures du soir, Fouquet était le roi de France, à 2 heures du matin, il n'était plus rien". D'Artagnan, le capitaine des mousquetaires, arrêta le Surintendant Fouquet à Nantes, le 5 septembre. Ce dernier fut déféré devant une juridiction d'exception spécialement constituée.

Les magistrats firent de la résistance. "La cour rend des arrêts non des services !" répliqua l'intègre d'Ormesson, juge de Fouquet. Le procès, truqué par Colbert, dura plus de trois ans. La majorité des juges vota le bannissement hors des frontières du royaume et non la peine capitale, exigée par le roi. Pour la seule fois de l'histoire de France, le chef de l'État, détenteur du droit de grâce, brisa la sentence des juges, non pour l'alléger mais pour l'aggraver. Il condamna son ancien Surintendant à la peine perpétuelle. Ne pouvant obtenir la mort, il parvint ainsi à protéger les secrets d'État qui aurait pu menacer son autorité. Fouquet, escorté par cent mousquetaires, fut envoyé à Pignerol, place forte des Alpes savoyardes. Il y décéda le 23 mars 1680, au terme d'un enfermement de dix-neuf années.

source : insecula.com


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- Daniel Dessert, Fouquet, Fayard, 1987.

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2 juin 2007

L'administration du pays : la vénalité des offices (Michel Carmona, 1984)

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hôtel de poste, XVIIe siècle (Provence)



L'administration du pays :

la vénalité des offices

Michel CARMONA (1984)


Il faut avouer que l'appareil administratif du pays ne semble guère plus exemplaire [que le gouvernement]. La vénalité des offices pèse lourd dans la balance. Quand on sait que le prix d'un office de conseiller valant 45 000 livres à Paris en 1610 passe à 70 000 livres au milieu du règne de Louis XIII sans que les gages ni les épices aient suivi la même progression, on comprend sans peine que les titulaires de charges soient presque obligés de prévariquer. Le revenu d'une charge s'établit en effet officiellement autour de 2,5% du capital : bien peu d'officiers se contentaient d'un rendement aussi faible.

À la fin du règne de Louis XIII, la rapacité des détenteurs d'offices est devenue proverbiale. Le célèbre Tabarin avait coutume de donner en ces termes une recette infaillible contre les rats : "Le meilleur expédient qui soit au monde pour empêcher les rats d'entrer dans un logis, c'est de mettre un sergent dedans ; car les rats qui ne vivent que de ronger, sachant qu'un sergent y aura été, ils se douteront qu'il n'y aura plus rien et n'y entreront jamais."

Depuis le règne d'Henri IV, les charges peuvent être transmises héréditairement moyennant le paiement d'un droit annuel, surnommé la "paulette". Cette mesure avait eu d'emblée un immense succès auprès des détenteurs d'offices. Le juriste Loyseau raconte les scènes significatives auxquelles il a assisté : "Au commencement du mois de janvier dernier 1608, pendant les gelées, je m'avisai, étant à Paris, d'aller un soir chez le partisan du droit annuel des offices, pour conférer avec lui des questions de ce chapitre. Il était alors trop empêché. J'avais mal choisi le temps. Je trouvai là grande foule d'officiers se pressant et poussant, à qui le premier lui baillerait son argent : aucuns d'eux étaient encore bottés venant du dehors, qui ne s'étaient donné loisir de se débotter."

L'empressement des officiers mécontente deux groupes influents dans l'appareil d'État. D'abord un certain nombre de titulaires de hautes charges rassemblés autour du Chancelier de Bellièvre. Ils voudraient une monarchie tempérée par un corps d'officiers indépendants, compétents, zélés. Le droit annuel permet à des gens incompétents de parvenir aux plus hautes charges de l'État grâce à leur argent : il corrompt, démoralise et asservit les officiers au Roi. N'était-ce pas, au fond, le but poursuivi par Henri IV ? En tout cas, le Vert-Galant, prenant acte du désaccord de Bellièvre avec sa politique, lui retirait les Sceaux en octobre 1605. Le second groupe d'opposants est constitué par les princes et les Grands, qui ont compris que le droit annuel, s'il se perpétue, va inéluctablement diminuer leur influence dans les nominations d'officiers.

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Peu avant sa mort, Henri IV aurait confié qu'il «était bien aise de voir des officiers de qui on ne pouvait dire : voilà le président d'un tel, le lieutenant de celui-là, le conseiller de cettuy-ci». Parole révélatrice qui met l'accent sur la puissance de l'arme que la vénalité des charges et leur transmission héréditaire ont finalement placée entre les mains du Roi.

À l'instar d'Henri IV, Richelieu considère la vénalité des offices comme une chance pour l'autorité royale, car elle lui assure un vaste champ de manœuvre. Supposons en effet que la vénalité disparaisse et que les offices soient désormais attribués en fonction du savoir. On verrait alors des individus de basse extraction «souvent plus chargés de latin que de biens» entrer en masse dans la fonction publique, introduisant un redoutable ferment d'agitation dans les structures de l'État. Le barrage de l'argent, au contraire, permet d'obtenir des titulaires de charges la garantie de leurs fonctions et d'une certain souplesse vis-à-vis des injonctions du pouvoir. Celui-ci détient par ailleurs l'arme absolue : la régulation des créations d'offices et le contrôle de la paulette, qui influent de manière déterminante sur la valeur des charges. Naturellement plus sensibles aux menaces que le gouvernement royal est en mesure d'agiter contre leur portefeuille, les riches sont a priori plus accessibles à la discussion.

Pour Richelieu, la gratuité des charges ouvrirait la porte à une course sans fin, qui privilégierait la faveur des Grands et verrait le plus intrigant, ou le mieux introduit, l'emporter sur le plus savant. S'ils étaientRichelieu_format_Web redevables de leur nomination à un prince ou à quelque autre puissant personnage, les fonctionnaires cesseraient d'être les serviteurs du Roi pour se dévouer aux intérêts de celui à qui ils doivent leur élévation, ressuscitant ainsi le temps des factions, voire celui des guerres civiles.

Au demeurant, la sélection par la richesse a probablement aussi pour avantage que le riche se montre moins sensible aux tentations de la concussion que le pauvre, «contraint à être fort soigneux du revenu du sac».

Il faut donc maintenir le système existant. Paradoxalement, la vénalité est bonne et nécessaire. Certes, «au nouvel établissement d'une République», reconnaît Richelieu, «on ne saurait sans crime n'en bannir pas la vénalité, parce qu'en tel cas la raison veut qu'on établisse les lois les plus parfaites que la société des hommes peut souffrir». «Mais», ajoute-t-il aussitôt, «la prudence ne permet pas d'agir de même pied en une ancienne monarchie, dont les imperfections ont passé en l'habitude, et dont le désordre fait, non sans utilité, partie de l'ordre de l'État». Au total, s'en prendre à la vénalité et à l'hérédité des charges ne pourrait qu'«exposer imprudemment l'État à quelque ébranlement» (Richelieu, Testament politique).

Aussi le problème est-il moins d'abolir ce système que de le conserver en tempérant ses vices. Pour cela, deux objectifs : modérer les prix des offices, qui atteignent des sommets tout à fait excessifs (Richelieu voudrait les ramener à la moitié du niveau qu'ils ont atteint de son temps), et permettre un accès plus large des personnes de qualité - entendons des nobles - aux charges supérieures de l'État.

Mais dans un cas comme dans l'autre, l'impératif fondamental reste d'attacher au Roi la fidélité d'une bourgeoisie de robe soustraite au clientélisme des Grands. Henri IV et Richelieu ont-ils atteint le but recherché ? Leur réussite sur ce point est plus que douteuse. Force est de constater que, pendant la première moitié du XVIIe siècle, les officiers en sont venus peu à peu à former un groupe quasi autonome, auquel la vénalité et l'hérédité des charges assurent une très grande indépendance vis-à-vis de l'autorité royale. La France, en vérité, s'administre pour l'essentiel par elle-même au travers d'un appareil largement décentralisé, dont l'obéissance au pouvoir est toute relative.

Michel Carmona
La France de Richelieu, Fayard, 1984, p. 97-100

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