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Les sociétés anglaise, espagnole et française au XVIIe siècle
30 mai 2007

Mémoires de Monsieur de Gourville (cr Alain Hugon)

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Mémoires de Monsieur de Gourville

(1610-1703)

Arlette Lebigre, Mercure de France, coll. "Le temps retrouvé", 2004

compte rendu : Alain HUGON


Cette nouvelle édition des Mémoires de Jean Hérault, sieur de Gourville (1610-1703), met à la disposition du public les souvenirs d’un homme d’origine sociale modeste à la trajectoire mouvementée qui lui permit de croiser de nombreux princes et dirigeants européens du Siècle de Louis XIV parmi lesquels, les souverains français, anglais et espagnol, le prince d’Orange, les principaux ministres de ces États... À ces rencontres correspond une remarquable ascension sociale. L’activité publique de Gourville s’étend sur près d’un demi siècle, de la veille de la Fronde à la fin du XVIIe siècle, moment à partir duquel il est devenu impotent et décide de rédiger ses Mémoires.

Ce type de narration - postérieur à l’événement dont il traite - est toujours sujet à caution. La reconstitution des faits est étroitement dépendante des souvenirs de l’auteur qui, traitant de sa jeunesse ou de sa période de plénitude, a fréquemment tendance à embellir un passé révolu. Bien que Gourville n’échappe pas à ces tendances, fanfaronnant parfois à propos d’éléments moins flamboyants qu’il ne le laisse entendre, ses Mémoires restent passionnants par de multiples aspects. Le biographe à l’habitude de diviser en grandes périodes les moments forts vécus par son sujet. Dans le cas de Gourville, ces moments sont scandés par les événements majeurs du royaume auxquels le mémorialiste prend part à divers titre.

Gourville commence sa carrière très simplement, en tant que gratte-papier auprès d’un obscur procureur d’Angoulème, au début des années 1640. Cependant, sa personnalité le conduit rapidement à s’attacher à la520px_Fran_ois_de_La_Rochefoucauld personnalité locale dominante, l’abbé de La Rochefoucauld, puis au frère de celui-ci, le prince de Marcillac [ci-contre], gouverneur du Poitou, futur duc de La Rochefoucauld (1613-1680), dont les Maximes sont restées célèbres. S’occupant d’abord des finances de ce prince, Gourville bénéficie des contacts avec les financiers pour faire ses premières expériences dans le domaine fiscal, trafiquant ainsi avec le contrôleur général des finances, Particelli d’Hemery, pour l’approvisionnement en blé du Poitou.

Pendant la Fronde, Gourville reste fidèle à son maître, La Rochefoucauld qui, en tant qu’amant de la duchesse de Longueville, participe à la révolte contre la Régence. Cela entraîne notre homme à Paris pour y suivre le camp des princes pendant la première guerre civile, qui se conclut par la paix de Saint-Germain-en-Laye (1er avril 1649). Ces troubles offrent aux ambitieux l’opportunité de déployer leurs talents, et Gourville pratique les coups de mains, projette l’évasion des princes emprisonnés par Mazarin dans le château de Vincennes. Il est tour à tour rançonné, puis lui-même séquestré, au cours d’opérations dont les buts sont surtout lucratifs même s’ils servent parfois à financer les rebelles, pratiques que le prince de Condé approuve à en croire notre mémorialiste. Parmi ces coups de main de l’époque de la Fronde, les Mémoires de Gourville décrivent par le détail un projet d’enlèvement de Paul de Gondi, cardinal m505204_02de221_pde Retz, ennemi juré du duc de La Rochefoucauld et du prince de Condé [ci-contre] (p. 43-49). Il est vrai qu’à l’heure de la rédaction de ces Mémoires, Retz est mort depuis plus de deux décennies...

L’activité première de Gourville comme serviteur consiste à permettre la communication entre les divers princes et les ministres. Il se trouve en contact avec les principaux dirigeants (Mazarin, Fouquet...) et son agilité à transmettre les propositions dont on lui fait part, sa capacité à réaliser des compromis et à les expliquer aux diverses parties, et sa clairvoyance générale des situations données lui ouvrent de nombreuses portes, essentiellement celle de la fortune. Durant les épisodes frondeurs, Gourville devient un collaborateur dévoué du prince de Condé tout en restant le fidèle de La Rochefoucauld. Lors de ces troubles, il vit une rapide ascension et, à l’en croire, il est un des artisans de la conclusion de la Fronde à Bordeaux, ce dont le cardinal ministre Mazarin lui a été reconnaissant.

La paix revenue dans le Royaume, Gourville se tourne vers les affaires. Il participe au partage du gâteau fiscal avec les partisans et financiers qu’il a rencontrés au cours de ses aventures : «Le désordre était épouvantablement grand dans les finances. La banqueroute générale qui se fit lorsque M. le maréchal de la Meilleraye fut surintendant des finances remplit tout Paris de billets de l’Epargne [...]. Cependant parmi ce grand désordre, le Roi ne manquait point d’argent ; et, ayant tous ces exemples là devant moi, j’en profitai beaucoup» (p. 110-111). La description du monde de la finance et des pratiques qui y sont en usage constitue des pages d’anthologie qui expliquent les rouages du prélèvement de l’impôt sous l’Ancien Régime (p. 140 et s. ; p. 172). C’est aussi le temps du surintendant Nicolas Fouquet.

Cependant, avant de courir la fortune avec ambition en marchant dans les pas du surintendant, Gourville possédait déjà un avant-goût de “l’ingratitude” des politiques puisqu’il s’est trouvé embastillé sur ordre de Mazarin durant quelques semaines en 1656. Son entregent et son adresse à jouer de ses relations lui ontm502004_95de3522_p évité un trop long enfermement : il a pu dès lors se jeter à corps perdu dans la quête de la richesse. Gourville apparaît de plus en plus ancré dans le sillage de Nicolas Fouquet [ci-contre] ; par le maniement des deniers publics, il réalise des bénéfices colossaux, utilisant des prête-noms, multipliant les billets, les décharges, les associations et les prêt à intérêt : «je me mis dans le grand jeu et fis de grands profits» (p.120). En outre, après l’achat de la seigneurie de Gourville, qui l’extrait de sa médiocre origine sociale, il acquiert une charge de secrétaire du Conseil avec l’accord du Cardinal, cela pour l’énorme somme de 1 100 000 livres. Conseiller de Fouquet (projet financier et terre de Belle-Ile en mer), admis en tant que conseiller d’Etat, il atteint son apogée quand le roi l’appelle à jouer longuement à ses côtés.

Au jeune homme ambitieux, au serviteur des Frondeurs, puis à l’assoiffé de fortune fait place l’homme déchu. Gourville suit Fouquet dans la chute, mais cependant avec beaucoup moins d’infortune car, s’il est exécuté par la justice à la suite de la chambre de justice instituée par Colbert, ce n’est qu’en effigie (7 avril 1663), et il ne connut jamais plus la prison après l’expérience de 1656. Gourville avait eu le pressentiment de l’effondrement du «système Fouquet», flairant la malveillance croissante de Colbert, de la duchesse de Chevreuse, de la régente, etc., envers le superbe surintendant. Dès lors, notre homme réussit à cacher les documents compromettants et à placer des sommes importantes hors de la portée de ses ennemis en prévision des jours difficiles. D’abord en fuite dans l’Angoumois auprès des La Rochefoucauld (qu’il aide financièrement), il part en exil à partir de 1663. Son affabilité, l’art de la conversation et l’usage de la table qu’il déploie permettent à Gourville de maintenir une dense vie sociale non seulement à l’étranger, mais aussi à l’intérieur du Royaume. Se rendant en Angleterre, il y rencontre Saint Evremont, Vatel, divers ministres et ambassadeurs ; il sonde les intentions politiques, analyse les conflits dont celui qui oppose les Provinces-Unies à la monarchie anglaise. Dans les Pays-Bas espagnols, il invite les principaux dirigeants à partager sa table, il évoque les questions litigieuses. À Breda, où se négocie la paix anglo-hollandaise, il s’entretient avec le prince d’Orange et se lie d’amitié avec la maison de Brunswick.

D’exilé, Gourville se transforme en diplomate officieux pour informer les ministres de Louis XIV des possibilités politiques que ses relations offrent à la Monarchie française. Il contribue ainsi à une alliance matrimoniale avec la maison de Hanovre et reçoit des instructions d’Hugues de Lionne, instructions qu’il remplit à la satisfaction du ministre des Affaires étrangères de Louis XIV. Ce premier succès autorise un rapide retour en France, où on lui confie une nouvelle mission : se rendre en Espagne pour recouvrer les sommes dues au prince de Condé quand celui-ci était au service de la monarchie ibérique. Les pages consacrées à ce voyage sont parmi les plus belles des Mémoires (pp. 180-196) : elles illustrent la perception française de la décadence de la patrie de Velázquez et soulignent la violence de la crise économique qui touche la Péninsule. La réussite de cette mission met un terme définitif à l’exil de Gourville.

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carreau d'angle, XVIIe s., Jouques (sud de la France)

 

Prudent et expérimenté, il modère son appétit de richesse et recherche en premier lieu une pleine amnistie dans l’affaire Fouquet. Les tractations laborieuses menées auprès de Colbert permettent de mesurer le cynisme et la cupidité qui président à la politique du grand ministre de Louis XIV. Avec l’appui du prince de Condé, d’Hugues de Lionne et de ses amis les princes allemands, Gourville obtient le pardon comme prix de son voyage espagnol : «M. Colbert dit seulement en peu de paroles que ce voyage là coûterait donc cinq ou six cent mille francs au Roi» (p.175). Gourville échappe ainsi habilement à la prison et à l’humiliation ; il écrit même (p.210) : «tout le monde était surpris de me voir également bien venu à Meudon et à Sceaux» c’est-à-dire chez Louvois que chez Colbert. Voici donc l’ex-condamné à mort bien en cour auprès de son ancien bourreau !

L’activité diplomatique de Gourville diminue alors au profit du service de Condé. Il s’efforce de combler les dettes du prince et de réorganiser sa maison. Il devient son homme de confiance. À ce titre, il est un des organisateurs de la réception de la Cour à Chantilly en 1671, durant laquelle Vatel se suicide. Condé lui attribue le château de Saint-Maur, contre Mme de La Fayette dont le portrait que dresse Gourville est peu aimable (p. 219-221). À partir de la mort du Prince (1686), les missions se raréfient. L’avant-dernier chapitre constitue un chant du cygne. Gourville fait l’inventaire de sa vie et, lui qui parle tant dans de la bonne chère dans ces Mémoires, des vins de l’Ermitage, de Champagne et du Rhin, évoque pour la première fois la religion et mentionne l’existence de sa parenté.

À la fin de ce volume, un index sommaire des noms de personnes s’avère pratique. En revanche, les notes d’Arlette Lebigre (auteur d’un ouvrage stimulant intitulé, La Justice du Roi, Albin Michel, 1988) sont assez pauvres. Par exemple, pour comprendre la surprenante annonce par Gourville de la libération de Nicolas Fouquet_Dessert_couvFouquet page 222, la note 7 page 307 est bien courte, et on peut conseiller au lecture de se reporter à la biographie écrite par Daniel Dessert sur le surintendant : elle permet en fait de mesurer les anomalies et les inexactitudes présentes dans le témoignage de Gourville.

La lecture de ces souvenirs est aisée, instructive et souvent amusante. Les stéréotypes sur la société immobile de l’Ancien Régime tombent devant tant d’énergie qui anime Gourville et ceux qui l’entourent durant ces soixante années. Les portraits de ministres, les descriptions de la guerre - qu’il n’aima jamais (la peur devant le bruit des canons...), les évocations de la place du jeu et de la table dans la vie sociale sont autant d’invitations à savourer ce texte.

Alain Hugon
Maître de conférences en histoire moderne,
Université de Caen, 6 août 2004
source

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- autre compte rendu (plus complaisant à l'égard de l'édition) : Rémi Mathis (mars 2005)


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- Mémoires de Monsieur de Gourville (Jean Herault), éd. Mercure de France, 2004.

Présentation de l'éditeur

Obscur artisan de l'Histoire ou héros de roman ? Ce personnage hors normes fait partie des rares élus qui ont connu une ascension fulgurante au fil du siècle. Valet de chambre du duc de La Rochfoucauld dans sa jeunesse, il mourut, cinq décennies plus tard, riche, apprécié de Louis XIV et recherché par toute la bonne société. Jugé digne par son maître de faire une carrière exceptionnelle, il s'était lancé dans les affaires aux côtés du surintendant Fouquet. Mais la disgrâce retentissante de ce ministre lui valut une condamnation à mort par contumace. Réfugié en Hollande, il gagna la faveur de Louis XIV, grâce aux relations privilégiées qu'il parvint à nouer avec plusieurs princes. Puis le roi lui accorda son pardon, le rappela en France et songea même à lui... pour remplacer Colbert. Âgé et malade, Gourville décida de raconter son existence tumultueuse. Ce sont les souvenirs d'un homme heureux, lucide mais bienveillant à l'égard de ses contemporains, qui s'attribue toujours le beau rôle, même dans les affaires louches auxquelles il a été mêlé. Il fait revivre la Fronde, dévoile la politique secrète du monarque et ne se prive jamais du plaisir de raconter une anecdote piquante. "Si vous n'avez pas lu ces mémoires, lisez-les ; il y a des endroits très divertissants", écrivait Mme du Deffand à Horace Walpole. Et l'on sait que la vieille dame ne pêchait pas par excès d'indulgence..



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25 mai 2007

Honnêteté

 

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Honnêteté


Honnêteté
- Issu des cours italiennes de la Renaissance (Baltazar de Castiglione, Il Cortegiano, 1528), cet idéal moral et social est théorisé par Nicolas Faret (L'Honnête Homme ou l'art de plaire à la Cour, 1630), Guez de Balzac, puis par le chevalier de Méré (Conversations, 1668, Discours, 1677).

L'honnête homme se montre agréable et sociable ; tout entier tourné vers autrui, il fait preuve d'urbanité, et il doit laisser soupçonner ses qualités sans attirer l'attention sur sa personne, bien qu'il ait divers talents intellectuels et artistiques, car il ne se pique de rien. Et dans ses pièces, Molière brosse le portrait de quelques personnages qui, tels Philinte et surtout Éliante dans Le Misanthrope, sont capables de vaincre leur amour-propre, de s'effacer devant les autres et de faire preuve de bienveillance à leur égard. Molière lui-même est présenté en ces termes par Jean Vivot, dans la préface de l'édition de 1682 :

Ainsi il se fit remarquer à la Cour pour un homme civil et honnête, ne se prévalant point de son mérite et de son crédit, s'accommodant à l'humeur de ceux avec qui il était obligé de vivre, ayant l'âme belle, libérale : en un mot, possédant et exerçant toutes les qualités d'un parfaitement honnête homme.

Quand, dans La Critique de l'École des femmes, Dorante, porte-parole de Molière, affirme que «c'est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens», on peut se demander de qui il parle : s’agit-il, comme on le pense d’ordinaire, de ceux qu’on pourrait appeler les braves gens du public, ou, dans ce contexte polémique, de ces esprits raffinés, adeptes de l’art de plaire selon Faret ou Méré ? Si l’on n’oublie pas que l’honnête homme est celui qui se maîtrise parfaitement en toute situation et qui, dans cette perspective, réprime les éclats de rire, qui sont le propre du peuple, on est en droit de penser que Molière vise ici cette partie du public, si rétive à une poétique dont le comique est la pierre angulaire.

 

source : toutmoliere.net

 

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L'honnête homme et le courtisan

 

Thèmes d’histoire littéraire : XVIe - XVIIe siècles
10. L'honnête homme et le courtisan

 

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Les bienséances : terme clé de la théorie littéraire classique tout comme de la vie sociale au cours du XVIIe siècle. Respecter les bienséances, c'est savoir ce qu'il convient de dire et de faire dans une circonstance donnée, c'est avoir le goût bon et les manières bonnes, comme on aurait dit à l'époque. La société policée du XVIIe siècle, composée principalement de l'aristocratie ancienne (dite "d'épée") et de la noblesse parlementaire ("de robe"), auxquelles s'agrège peu à peu la partie riche et éduquée de la bourgeoisie, cherche à formuler les règles idéales du comportement social sous le nom d'honnêteté, d'honnête homme.

Mais il y a deux sortes d'honnêteté : l'une mondaine, l'autre morale, et leur définition comme leur champ d'action se recoupent parfois, voire se contredisent au cours du siècle. Molière montre admirablement dans Le Misanthrope l'opposition d'une attitude mondaine de conciliation et d'une attitude morale intransigeante, à travers les figures de Philinte et d'Alceste.

L'honnête homme est parent du courtisan, tous deux trouvent leur origine dans la réflexion sur la vie sociale qu'avait menée le XVIe siècle. Le livre fondateur est celui de Baldassare Castiglione, Il Libro del Corteggiano (publié en 1528), qui dépeint sous forme de conversations la vie d'une société d'hommes et de femmes de qualité à la cour d'Urbino. L'ouvrage eut une influence considérable dans toute l'Europe pendant deux siècles.

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Cependant le courtisan doit avant tout plaire au Prince et aux Grands : à partir du moment où, dès le début de son règne, Louis XIV concentre tous les pouvoirs à Versailles, il oblige la noblesse à y séjourner pour obtenir des postes, maintenir ses avantages, participer si peu que ce soit aux affaires : l'obligation de plaire devient une contrainte permanente et engendre des conduites qui n'ont plus de l'honnêteté que l'apparence.

La société de cour est dès lors fondée sur la dissimulation ; la politesse masque l'intérêt, l'attention à autrui se corrompt en flatterie. Deux écrivains, qu'on assemble parfois sous l'étiquette de "moralistes", ont décrit, et parfois stigmatisé, l'insincérité de la vie de cour : La Fontaine dans certaines de ses Fables (parues de 1668 à 1693), et La Bruyère dans un chapitre de ses Caractères (9 éditions sont publiées entre 1688 et 1696).

Pour comprendre la théorie de l'honnêteté, il faut se souvenir du précepte latin : Intus ut libet, foris ut moris est (à l'intérieur, fais comme il te plaît, à l'extérieur, agis selon la coutume). L'opposition entre l'espace social et le for intérieur, que nous ne comprenons plus guère aujourd'hui, est capitale au XVIIe siècle : elle ménage une sociabilité harmonieuse, condamne les conduites agressives tout en faisant place à la liberté que chacun conserve de juger pour son propre compte.

Elle peut avoir pour conséquence un conformisme ou une hypocrisie sociale : dans les deux cas, l'idéal de l'honnête homme devient équivoque, la vie sociale apparaît comme un théâtre où les personnages jouent des rôles convenus, et où l'intelligence consiste à déchiffrer les apparences. Sur ce théâtre, la maîtrise de la parole est centrale : raffinement des formules, goût des jeux de mots (c'est l'esprit), art de la conversation. La valeur la plus haute reste pourtant insaisissable, c'est le naturel, le je ne sais quoi, que la plupart s'efforcent d'imiter, et que fort peu rencontrent, s'il faut en croire Molière.

source : université de Lausanne, faculté des Lettres

bibliographie

- Bury, Emmanuel, Littérature et politesse. L'invention de l'honnête homme (1580-1750), Paris, Presses Universitaires de France, "Perspectives littéraires", 1996.
- Dens, Jean-Pierre, L'honnête homme et la critique du goût. Esthétique et société au XVIIe siècle, Lexington, French Forum Publishers, 1981.
- L'art de la conversation : anthologie, préface de Marc Fumaroli, Paris, Dunod, "Classiques Garnier", 1997.

sources

- Molière, Le Misanthrope [1667], in Œuvres complètes, tome II, Paris, Gallimard, "Pléiade",    1971, p.121-218.        
- La Bruyère, Les Caractères [1688], in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, "Pléiade", 1951,    p.59-478.

 

 

Collation
Collation dans un parc, Ecole flamande, XVIIe siècle.
         Musée de l'Ile de France, Sceaux.

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liens

- Qu'est-ce qu'un honnête homme au XVIIe siècle ?

- "Galanterie", par Chiara Rolla

 

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Nicolas Faret (1600-1646)
L'Honnête Homme ou l'art de plaire à la Cour (1630)

 

 

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24 mai 2007

L'honnête homme et les sociabilités (gallica.bnf)

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Abraham Bosse (vers 1604-1676)



L'honnête homme et les sociabilités

gallica.bnf

Suite aux horreurs de la guerre civile, les hommes "bien nés" admettent la nécessité de règles de "bonne conduite" en société. S’instaure alors, par l’intermédiaire de la Cour, des salons et de la littérature, un idéal de comportement social et culturel qui traverse le siècle, l’"Honnêteté". Ce modèle est codifié par Faret qui adapte en 1630 le célèbre ouvrage italien de Castiglione Le Courtisan, agrémenté de réflexions empruntées à Montaigne.

L’honnête homme récupère les vertus héroïques : bon guerrier, bon amant, morale chrétienne. S’y ajoute la maîtrise de soi, la capacité de s’adapter à la société mondaine et d’y briller par la conversation, l’ouverture d’esprit, le sens de la mesure. Il doit se montrer tolérant et ne pas choquer, ni même ennuyer. Pour cela il lui faut éviter de faire montre de trop d’érudition (il serait alors pédant). En revanche il doit posséder une culture générale suffisante pour pouvoir deviser avec tous. Sensible aux nuances (c’est l’esprit de "finesse") il est aussi lucide sur les faiblesses humaines.

Sous Louis XIV, le modèle évolue vers un nouveau type, peint par le chevalier de Méré. Courtisan, il est surtout soucieux de plaire au roi. L’apparence et la mondanité l’emporte et triomphe le "bel esprit" : légèreté et virtuosité.

L’honnêteté n’a pas tant été considérée comme une qualité que comme "l’abrégé de toutes les autres". Elle amène également un état d’esprit différent qui va à l’encontre de la société traditionnelle. En effet, l’honnête homme le devient par ses propres mérites, et non par naissance. En cela, elle préfigure les Lumières.

 

Quelques textes importants :

  • Nicolas Faret, L’Honnête Homme ou l’art de plaire à la Cour (1630)
  • François de Grenaille, L’honnête fille (1639) – L’honnête garçon (1642)
  • Guez de Balzac, Aristippe ou de la Cour (1658)
  • Mademoiselle de Scudéry, La morale du monde ou Conversations (1680-1692)
  • Chevalier de Méré, Conversations (1668) – Discours (1677) – Lettres (1682) - De la vraie honnêteté (posth., 1700)
  • source

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    Nicolas Faret (1600-1646)



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    23 mai 2007

    La noblesse "dative" des officiers (Emmanuel Le Roy Ladurie, 1991)

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    château Louis XIII en Normandie



    La noblesse "dative" des officiers

    Emmanuel LE ROY LADURIE (1991)


    Le règne d'Henri voit aussi se consolider l'influence d'une classe de détenteurs de la fonction publique qu'on définit comme "officiers" et dont les plus à leur aise, souvent possesseurs de châteaux, forment une noblesse "dative", ou de dignité [par opposition à la noblesse native, ou de gentilicité], qu'on appela logntemps chez les historiens "noblesse de robe" ; ils sont dans l'État, propriétaires de leur emploi (ou quelques fois de leur sinécure), possesseurs de leur charge ou office, et sont plus heureux d'un certain point de vue que des fonctionnaires contemporains. C'est tout dire : ils bénéficient en effet d'une titularisation qui ne leur est pas seulement offerte à titre viager, comme de nos jours, mais qui comporte de facto un prolongement héréditaire. Ils peuvent léguer la charge à leur rejeton, ou la vendre, à condition, bien sûr, que le fils ou l'acquéreur, en principe, ait une dose minimale de compétence.

    Un groupe social et lignager de la fonction publique a surgi de la sorte ; du fait de son renforcement progressif, ce groupe comprendra pour le moins, au second tiers du XVIIe siècle, quarante à cinquante mille familles d'officiers, de père en fils, sur les quatre à cinq millions de ménages qui fleurissent ou pâtissent en territoire français : soit une famille sur cent. Cette petite élite influente n'est pas toujours efficace au plan de l'administration quotidienne du pays. Mais du simple fait des longues stabilités d'emploi qui la caractérisent, elle met en échec, partiellement, l'absolutisme éventuel et le pouvoir arbitraire des rois Bourbons ; elle freine les excès du despotisme monarchique ou ministériel ; elle participe des deux aspects essentiels de la construction de l'État, telle que nous l'envisageâmes entre 1595 et 1610. Soit : croissance amorcée ; mais aussi ouverture, ne serait-elle que d'assez modeste durée. La croissance, c'est le destin même d'un appareil d'État qui demeure encore arbre de justice, mais qui se trouve, à tout prendre, en situation d'essor, de cinq mille officiers en 1515 à cinquante mille en 1661 ; bref, on passe de l'État "petit" du jeune François 1er, à l'État de proportions moyennes, modeste encore, mais déjà plus substantiel, du jeune Louis XIV.

    Emmanuel Le Roy Ladurie, L'Ancien Régime, I, 1610-1715
    (Hachette, 1991), éd. "Pluriel", 1993, p. 26-28.


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    Abel Servien, marquis de Sablé et de Boisdauphin,
    comte de Roche-Servien et comte de La Roche des Aubiers
    (1593-1659), diplomate au service de Mazarin



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    23 mai 2007

    Peinture et société française au XVIIe siècle

    L'Homme aux rubans noirs - BOURDON, Sébastien
    L'homme aux rubans noirs
    , Sébastien Bourdon, 1657-1658



    Peinture et société française

    au XVIIe siècle


    Au XVIIe siècle, quelques peintres délaissent la peinture d’histoire et lui préfèrent les scènes de genre au contenu plus anecdotique et souvent trivial mais non exempt de portée morale. Traitées avec naturalisme, inspirées de la vie quotidienne, elles mettent en scène les milieux populaires ruraux et urbains pris dans leur réalité. Avec le portrait, un genre qui connaît un grand succès, elles constituent une source essentielle pour aborder la diversité de la société française de cette époque.

    - 30 oeuvres présentées sur education.louvre.fr



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    22 mai 2007

    Peinture française du XVIIe siècle


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    Judith avec la tête d’Holopherne

    Suiveur de Simon Vouet, 1625



    Peinture française du XVIIe siècle


    Conférences de Catherine Guegan, Conservateur à la Conservation des oeuvres d'art des églises de la Ville de Paris, diplômée de l'École du Louvre, données à Caen du 21/10/1994 à fin 1994

    XVII : 1- La seconde école de Fontainebleau

    La seconde école de Fontainebleau et les ateliers parisiens sous Henri IV et la régence de Marie de Médicis. Thèse: continuité entre les deux écoles. Importance des Hollandais.
    Voir : 1ère, 2ème Ecole de Fontainebleau

    XVII : 2- La tradition nordique

    Rappel historique : Pour appartenir à la corporation des maîtres peintres et sculpteurs il faut un apprentissage long et coûteux que vient encore couronner le chef d'œuvre. Pour y échapper les peintres étrangers et provinciaux sévèrement jugés préfèrent peindre sous la protection de collèges, maisons royales, obtenir le brevet de peintre du roi ou de la reine ou se placer sous l'autorité de l'abbaye de saint germain. Etre peintre dans le quartier de saint Germain, c'est aussi être assuré de débouchés grâce à la Foire de Saint Germain où viennent vendre aussi les grands peintres flamands, notamment Cornelis de Vos l'un des meilleurs peintres avec Van Eyck.

    Thèse: la grande peinture française ne nait pas de rien. Elle est fortement influencée par les Hollandais. Voir: Damery, Pourbus, Le Nain, Champaigne, Bourdon (p)

    XVII : 3- Les caravagesques français : le milieu lorrain et les foyers principaux.

    Guegan refuse la thèse de Jacques Thuiller. Selon l'historien, le caravagisme aurait été largement diffusé en France, par des peintres revenus du voyage de Rome, parce qu'il était plus facile a exécuter que les compositions savantes du maniérisme international. Il est exact que le maniérisme supposait une excellente culture littéraire, la réalisation de fonds architecturaux complexes, une science de la composition par plans successifs où devaient apparaître beaucoup de personnages. À l'inverse le caravagisme a recourt à des fonds sombres, ne met en scène que peu de personnages et ne les représente pas en pied mais à mi-corps. Guegan pense qu'il y avait besoin d'un renouvellement du goût et que coexistent différents courants. Les peintres s'adaptent selon leur commanditaire.

    Le caravagisme s'éteint avec le retour de Vouet d'Italie à la fin des années 20. Cependant le goût se maintient. Au début du XVII, dans sa nouvelle chambre de Versailles, Louis XIV ne conserve que 8 tableaux. Quatre de ceux ci sont les 4 évangélistes de Valentin de Bologne.

    Voir : Caravage, La Tour, Tournier, Vignon, Valentin, Vouet (p)

    XVII : 4- Centre et Périphérie : Paris et la province au XVIIème siècle

    La Lorraine est le grand centre créatif en dehors de Paris. La région connaît une grande prospérité jusqu'en 1620. Sévit ensuite une crise économique, puis la guerre avec la France en 1630 qui s'achève par la prise de Nancy en 1633. Rouen et Lyon, grands carrefours de communications, Rennes, Toulouse et Aix qui possèdent un parlement, et Avignon, Etat du pape et lié à l'Italie, sont des foyers artistiques importants En Normandie peignent Georges Lallemand et Laurent de la Hyre. Parmi les peintres locaux : Daniel Allé, Jean de saint Igny, Pierre Letelier, Jean Restou et Jean Jouvenet. Voir : Mignard (Nicolas), Deruet, Bellange, Le Clerc

    XVII : 5- Vouet et la peinture monumentale à Paris

    La richesse royale et la richesse bourgeoise permettent de nombreuses commandes d'état et pour la décoration des hôtels privés. Pendant les troubles de la Fronde (1649-1653) seule l'Eglise permet les commandes. Les plafonds à caissons compartimentés puis en voûte remplacent les poutres peintes. La peinture remplace aussi les tapisseries. Vouet et Le Sueur exécutent encore des cartons pour des tapisseries. Elles imitent les tableaux ; elles ont un cadre. Deux conceptions du décor monumental celle de la rigueur géométrique défendue par le mathématicien Gérard Desargues (1593-1662) et le dessinateur et graveur Abraham Bosse (1602-1676) et que reprendront Vouet et La Hyre et la conception de l'approximation sans théorie des perspectives fuyantes et des raccourcis conséquents. Voir : Vouet, le Sueur(p), Champaigne(p)

    XVII : 6- La peinture sous Louis XIII : les élèves de Vouet

    Dans les années 1640-1650 se mêlent à Paris différents courants. Le courant baroque, héritier de la grande forme romano-vénitienne dont Rubens et Vouet sont les meilleurs représentants. Le courant réaliste avec les Le Nain. Les courants classiques ; le clacissisme sévère de Philippe de Champaigne. Le classicisme rigoureux de Poussin et l'atticisme de Le Sueur et La Hyre. Pour ces derniers les figures doivent être monumentales, les lignes simples et le décor archéologique rigoureux. Les peintres discutent de leurs différentes options. La peinture devient un sujet majeur des débats intellectuels grâce aux conférences de Théophraste Renaudot (1586-1653) dont certaines sont consacrées à la peinture contemporaine. Voir : Le Sueur, La Hyre, Blanchard, Bourdon, Baugin, Stella

    XVII : 7- Poussin

    Etudie les gravures de Jules Romain, Raphaël et le Corrège. S'initie à l'anatomie et à la perspective. Un premier voyage vers l'Italie en 1617 arrêté à Florence, un second à Lyon où il rencontre Battista Morine. Cet artiste l'appelle à Rome en 1624 et l'introduit dans la famille des Barberini, Urbain VII et chez son neveu Francesco Barberini et son secrétaire.

    XVII : 8- Fondation de l'Académie de peinture et sculpture en 1648

    Reflète l'ascension sociale de l'artiste qui veut être considéré comme un créateur et distingué de l'artisan. Ce nouveau statut social lui permettra d'exercer un art libéral et non plus un art mécanique. Deux modèles permettent ce passage. La création de l'Académie Française en 1634 par Richelieu et les Académies de peintures italiennes créées à la fin du XVI. L'exemple le plus illustre est celui de l'academia del designo fondée par Vasari à Florence en 1563 sous la protection de Cosme Ier. Cette académie recherchait un statut semblable à celle des poètes dont l'Académie des lettres avait été fondée en 1540. Composée de 36 artistes de l'ancienne corporation de saint Luc elle s'était fait attribuer l'exclusivité des décorations des fêtes princières. Outre cette valorisation du statut et l'assurance de débouchés, l'Académie proposait une système d'enseignement qui se distinguait de l'obligation d'apprendre en atelier. Deux autres exemples l'Academia de San Lucca à Rome fondée par Grégoire XIII et l'Academia del dellicati créée à Bologne en 1585 et dont les principaux animateurs sont les frères Carache. Cette académie prône un retour à la nature, à la pose d'un modèle et à des études en extérieur. Il s'agit toutefois d'une recomposition du réel et non d'une simple reproduction. Le réel doit être médiatisé par le prisme de la raison. On est loin du naturalisme du Caravage. Il s'agit de restaurer l'âge d'or de la peinture, de réagir contre la décadence du maniérisme reposant sur l'imagination et la reproduction des modèles de maîtres.

    La bataille entre les artistes et la Confrérie des Maîtres peintres et sculpteurs est féroce. Le statut de la Confrérie n'a pas varié depuis sa création en 1391. En son sein se côtoient artistes, maçons, stucateurs, décorateurs et peintres en bâtiment. Elle exerce un contrôle sur tous les ateliers où l'apprenti doit servir le maître pendant cinq ans, effectuer un compagnonnage de 4 ans et accomplir un chef-d'œuvre. La confrérie, face à l'afflux de peintre hollandais, essaie de limiter les ventes de la foire de saint Germain et l'attribution du brevet de peintre du roi ou de la reine. Mais ni le public qui commence à reconnaître la valeur créatrice du peintre, ni ces derniers n'acceptent plus des règles aussi contraignante qui étouffent pendant dix ans toute possibilité de création. Un arrêt du parlement de Paris en 1646 met le feu aux poudres. Selon la demande de la Confrérie, l'arrêt limite à 6 les brevets de peintre du roi ou de la reine. Les peintres brevetés ne peuvent travailler que sur les chantiers royaux. Toute décoration d'hôtel privé est passible de saisie ou d'amende. En janvier 1648 Charles Le Brun, Charles Erard , Eustache le Sueur et d'autres proposent au roi les statut d'une Académie. Très rapidement, en mars 1648 ces statuts sont approuvés. 12 anciens la dirigent et enseignent alternativement pendant un mois le dessin.

    L'étude du dessin repose sur l'étude du modèle vivant. Mais la pose du modèle n'est pas naturaliste, elle est contrastée et fatigante. Plus tard, David s'opposera à cette pratique. Le talent de l'artiste est apprécié selon trois critères : l'imitation, le choix et le jugement. L'imitation de la nature, le choix des plus belles parties selon l'antique, et le jugement qui permet de choisir les parties. Ces critères renvoient à une conception du beau platonicienne, l'artiste a dans la tête une idée du beau qui précède l'imitation.

    Les matières enseignées sont l'anatomie, la géométrie et la perspective. Cadroux, un chirurgien, enseigne l'anatomie. Il se sert des représentations d'écorchés, dont le plus célèbre sera celui de Houdon en 1760, et des gravures de Vésale et Michel-Ange. La géométrie est enseignée par Chevaux mathématicien et géomètre. La perspective est enseignée par Abraham Bosse, introduit par La Hyre. Sa conception de la perspective repose sur les lois de l'optique et s'oppose aux approximations de la perception visuelle. Elle suppose que l'œil du spectateur reste à une position fixe. Le dessin est conçu en fonction de l'espace autour de cet œil fixe et ne supporte qu'un seul point de fuite. Il n'est pas prévu que le spectateur se déplace.

    L'intransigeance de Bosee va envenimer la querelle avec l'autoritaire Le Brun. Pour lui cette conformité à la théorie nie la licence de l'artiste. Le tableau doit seulement respecter la logique intellectuelle de l'ensemble. Bosse est exclu de l'Académie. L'autoritarisme de Le Brun se fait sentir dans les nouveaux statuts de l'Académie en 1655 : tout manuscrit parlant de la théorie de la peinture doit recevoir son approbation. En 1666 est créé l'Académie de France à Rome qui permet aux artistes de se former aux contact des maîtres italiens mais aussi de permettre à Louis XIV de s'approvisionner en copies de l'Antique. En 1667 sont instituées les Conférences mensuelles de commentaire d'un tableau. Ces conférences sont enregistrées par un secrétaire. Félibien (1619-1695), historiographe du roi en 1666, sera ainsi le premier critique d'art français. En 1668 la publication des conférences déplaît à Le Brun et Félibien est exclu de l'Académie. Néanmoins de 1666 à 1695, il publie en 10 volumes "Entretiens sur les vies et les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes" qui constitue la première théorie du classicisme français. En consacrant ses premiers articles à Giotto et en insistant suer les rôles de Rosso et du Primatice, Felibien rattache la peinture française à la grande peinture italienne.

    Les conférences sont l'occasion de controverses, Le Brun défend la peinture intellectuelle de Poussin. Philippe de Champaigne défendit les talents de coloristes de Titien en commentant "La mise au tombeau". Le Brun fige ses théories dans un traité sur l'expression des passions. Il y distingue l'expression générale qui englobe tout le corps de l'expression particulière où le visage reflète le sentiment intérieur. Ce traité s'inscrit dans la ligné du "Traité des passions de l'âme" de 1649 où Descartes parlait des esprits animaux s'inspirant lui-même d'un traité de Della porta "De humania physonomia "traitant de physionomie". Si Descartes voyait dans la glande Pinéale le siège de l'âme, Le Brun s'attarde sur les rôles des yeux de la bouche, des pommettes et surtout des sourcils qui monte vers l'âme ou se rapprochent du nez et donc des parties animales. En 1673 Le Salon de peinture est institué comme forme d'exposition obligatoire des élève. Il s'institutionnalise d'étape en étape : 1699,1705 et 1727 où il devient annuel puis bi-annuel. La méthode consiste à jeter ses idées de composition rapidement. Ensuite mis en forme des ombres. Dessins sur des parties, études de détail et esquisses. Les figures humaines sont féminisées et manquent de grâce. Pratique sure du métier.

    XVII : 9- Le Brun et Mignard (Pierre)

    XVII : 10- La Querelle du colorie

    En 1670 l'Académie royale est soumise à la critique du public. Elle profite des controverses entre dessin et couleur, pratique et théorie pour redéfinir le goût. Après Félibien, Roger de Pil est le second théoricien de l'art français. Il publie en 1673 "Dialogue sur le colorie", où il fait l'éloge du colorie au travers de l'œuvre de Rubens. Il conseille à Richelieu de céder ses Poussin à Louis XIII et de se constituer une collection d'œuvres de Rubens. En 1690, la révolution s'est opérée, le renouvellement des générations sacre Rubens génie de la peinture. La controverse sur la couleur avait trouvé une forme antérieure dans l'opposition entre Venise et Florence dont Rome est l'héritière. Cette controverse possède une origine philosophique. A Florence sous Laurent de Medicis, Marcel Ficin commente Plotin et donc Platon pour qui le monde n'est que le reflet de la beauté qui est une idée spirituelle. Venise subit l'influence de l'Université de Padoue et d'Aristote pour qui la beauté est substantielle, inhérente à la matière. Quand la peinture veut sa reconnaissance au XVII, elle promeut la peinture comme un art libéral avec le primat du dessin sur la couleur, de l'idée sur la matière de l'essence sur la substance. Elle relève tout ce qui tient à l'intellectuel. Primat du dessin et du discours dans la peinture. Une fois cette affirmation posée la question que se posera De Pil est : quelle est l'essence de la peinture par rapport à l'architecture ou la sculpture ? La réponse : rendre l'illusion de la vie par la couleur. De Pil distingue alors la couleur (ce qui rend les objets sensibles à la vue) qui appartient au monde sensible du colorie (qui rend les couleur sur la toile. Les mélanges imitent les apparences.

    Le discours de l'Académie, de Le Brun est remis en cause. Il ne s'agit plus de lire un tableau ; la peinture est libérée du discours. Il faut susciter une émotion : toucher les sens, savoir capter le spectateur sans que celui en ait conscience. Au lieu d'instruire, d'élever l'esprit, il faut bouleverser faire plaisir. La voix est libre pour la Fosse, Boucher, Watteau et plus tard Delacroix. Valorisation des couleurs vives, du travail de la couleur, de l'empâtement, de la vue à distance. L'œuvre de Rembrandt est appréciée autrement que par les gravures, introduite par Vignon.

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